L’affiche rouge

L’affiche rouge


Ah
Ah-ah-ah-ah
Vous n’avez réclamé la gloire, ni les larmes
Ni l’orgue, ni la prière aux agonisants
11 ans déjà, que cela passe vite 11 ans
Vous vous étiez servis simplement de vos armes
La mort n’éblouit pas les yeux des Partisans
Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L’affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu’à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants
Nul ne semblait vous voir Français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l’heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos « morts pour la France »
Et les mornes matins en étaient différents
Tout avait la couleur uniforme du givre
À la fin février pour vos derniers moments
Et c’est alors que l’un de vous dit calmement
« Bonheur à tous, bonheur à ceux qui vont survivre »
« Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand »
Adieu la peine et le plaisir, adieu les roses
Adieu la vie, adieu la lumière et le vent
Marie-toi, sois heureuse et pense à moi souvent
Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses
Quand tout sera fini plus tard en Erivan
Un grand soleil d’hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le cœur me fend
La justice viendra sur nos pas triomphants
Ma Mélinée, ô mon amour, mon orpheline
Et je te dis de vivre et d’avoir un enfant
Ils étaient 20 et 3 quand les fusils fleurirent
20 et 3 qui donnaient leurs cœurs avant le temps
20 et 3 étrangers et nos frères pourtant
20 et 3 amoureux de vivre à en mourir
20 et 3 qui criaient la France en s’abattant
Ah-ah
Ah-ah
Ah-ah
Source : Musixmatch
Paroliers : Louis Aragon / Leo Ferre
Paroles de L’Affiche rouge © Les Nouvelles Edi.meridian

Léo Ferré : Le Pont Mirabeau (Apollinaire)

Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu’il m’en souvienne
La joie venait toujours après la peine
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Les mains dans les mains restons face à face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l’onde si lasse
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
L’amour s’en va comme cette eau courante
L’amour s’en va
Comme la vie est lente
Et comme l’Espérance est violente
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passait
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure

Avec le temps

Quelques interprétations de l’énorme chanson de Léo Ferré, « Avec le temps ». Je laisse le suspense entier sur celle que je préfère. On peut tout de même voir apparaître de grande catégories : les interprétations qui expriment le désespoir, la colère ou le futur meilleur. Toujours autant d’émotion.

Léo Ferré

Philippe Léotard

Zazie-Thiefaine

Patricia Kaas

Isabelle Boulay

Sapho (en arabe)

Catherine Lara

Jane Birkin

Avec le temps – Léo Ferré

Avec le temps
Avec le temps, va, tout s’en va
On oublie le visage et l’on oublie la voix
Le cœur, quand ça bat plus
C’est pas la peine d’aller chercher plus loin
Faut laisser faire et c’est très bien

Avec le temps
Avec le temps, va, tout s’en va
L’autre qu’on adorait, qu’on cherchait sous la pluie
L’autre qu’on devinait au détour d’un regard
Entre les mots, entre les lignes et sous le fard
D’un serment maquillé qui s’en va faire sa nuit
Avec le temps tout s’évanouit

Avec le temps
Avec le temps, va, tout s’en va
Même les plus chouettes souvenirs, ça, t’as une de ces gueules
À la galerie, j’farfouille dans les rayons d’la mort
Le samedi soir quand la tendresse s’en va toute seule

Avec le temps
Avec le temps, va, tout s’en va
L’autre à qui l’on croyait pour un rhume, pour un rien
L’autre à qui l’on donnait du vent et des bijoux
Pour qui l’on eût vendu son âme pour quelques sous
Devant quoi, l’on s’traînait comme traînent les chiens
Avec le temps, va, tout va bien

Avec le temps
Avec le temps, va, tout s’en va
On oublie les passions et l’on oublie les voix
Qui vous disaient tout bas les mots des pauvres gens
Ne rentre pas trop tard, surtout ne prends pas froid

Avec le temps
Avec le temps, va, tout s’en va
Et l’on se sent blanchi comme un cheval fourbu
Et l’on se sent glacé dans un lit de hasard
Et l’on se sent tout seul peut-être mais peinard
Et l’on se sent floué par les années perdues, alors vraiment
Avec le temps on n’aime plus

Source : LyricFind

Paroliers : Léo Ferré

Paroles de Avec le temps © Les Nouvelles Editions Meridian, Peermusic Publishing

Quand on perd un ami – Gérard Manset

Quand on perd un ami
C’est peut-être qu’il dort
Dans un autre univers
De gel et de bois mort
Dans un autre décor
Simplement affaibli
Quand on perd un ami
Son âme se décolle
Comme un papier jauni
Papyrus d’école
C’est que l’on a grandi
Quand on perd un ami
Comme dans un tamis
Après que le cambiste
Ait déserté la salle
Ait déserté la salle
Dans le jour indolore
Et dans l’air inodore
Repose sur le pourpre
Entouré des siens
Et pas même un chien
Pour lécher sa paume
Son bras recourbé
Quand un ami s’en va
Disparaît de son lit
Par de nouveaux sherpas
Pour de nouveaux pays
Quand on perd un ami
De la lumière subsiste
Comme dans un tamis
Après que le cambiste
Ait déserté la salle
Peut-être, ce n’est pas
Ce qu’on nous en a dit
Si, là-bas, il fait froid
Comme il le fait ici
Quand on perd un ami
Qui le découvrira ?
Fakir embaumé
Transpercé de pointes
Et lorsque le jour pointe
Pas même un drap
Pour cacher ses yeux
Quand un ami s’en va
Quand on perd un ami
De la lumière subsiste
Comme dans un tamis
Source : LyricFind
Paroliers : Gérard Manset
Paroles de Quand on perd un ami © Sony/ATV Music Publishing LLC

Julio Cortázar – Le futur

Et je sais très bien que tu n’y seras pas.
Tu ne seras pas dans la rue, dans le murmure qui jaillit la nuit
des réverbères, ni dans le geste
de choisir le menu, ni dans le sourire
qui soulage les métros complets,
ni dans les livres prêtés ni dans les mots à demain.

Tu ne seras pas dans mes rêves,
ni dans le destin original de mes mots,
ni dans un chiffre téléphonique
ou la couleur d’une paire de gants ou d’une blouse.
Je me fâcherai, mon amour, non pas à cause de toi,
et j’achèterai des bonbons mais pas pour toi,
je serai debout au coin d’une rue où tu ne viendras pas,
et je dirai les mots qui se disent
et je mangerai les choses qui se mangent
et je rêverai les rêves qui se rêvent
et je sais très bien que tu n’y seras pas,
ni ici dedans, la prison où encore je te retiens,
ni là dehors, ce fleuve de rues et de ponts.
Tu ne seras pas du tout, tu ne seras même pas un souvenir,
et si je pense à toi, je penserai une pensée
qui obscurément essaye de t’évoquer.

*

El futuro

Y sé muy bien que no estarás.
No estarás en la calle, en el murmullo que brota de noche
de los postes de alumbrado, ni en el gesto
de elegir el menú, ni en la sonrisa
que alivia los completos en los subtes,
ni en los libros prestados ni en el hasta mañana.

No estarás en mis sueños,
en el destino original de mis palabras,
ni en una cifra telefónica estarás
o en el color de un par de guantes o una blusa.
Me enojaré, amor mío, sin que sea por ti,
y compraré bombones pero no para ti,
me pararé en la esquina a la que no vendrás,
y diré las palabras que se dicen
y comeré las cosas que se comen
y soñaré los sueños que se sueñan
y sé muy bien que no estarás,
ni aquí adentro, la cárcel donde aún te retengo,
ni allí fuera, este río de calles y de puentes.
No estarás para nada, no serás ni recuerdo,
y cuando piense en ti pensaré un pensamiento
que oscuramente trata de acordarse de ti.

*

The Future

And I know full well you won’t be there.
You won’t be in the street, in the hum that buzzes
from the arc lamps at night, nor in the gesture
of selecting from the menu, nor in the smile
that lightens people packed into the subway,
nor in the borrowed books, nor in the see-you-tomorrow.

You won’t be in my dreams,
in my words’ first destination,
nor will you be in a telephone number
or in the color of a pair of gloves or a blouse.
I’ll get angry, love, without it being on account of you,
and I’ll buy chocolates but not for you,
I’ll stop at the corner you’ll never come to,
and I’ll say the words that are said
and I’ll eat the things that are eaten
and I’ll dream the dreams that are dreamed
and I know full well you won’t be there,
nor here inside, in the prison where I still hold you,
nor there outside, in this river of streets and bridges.
You won’t be there at all, you won’t even be a memory,
and when I think of you I’ll be thinking a thought
that’s obscurely trying to recall you.

***

Julio Cortázar (1914-1984)Salvo el crepúsculo (1984)Crépuscule d’automne (Corti, 2010) – Traduit de l’espagnol (Argentine) par Silvia Baron Supervielle – Save Twilight (City Lights Books, 1997) – Translated by Stephen Kessler.

Merci https://schabrieres.wordpress.com/2023/04/13/julio-cortazar-le-futur/

Cees Nooteboom – Tu voulais vivre, non ?…

Tu voulais vivre, non ? N’aurais-tu donc
voulu que l’or, le bleu
du ciel, l’amour, le soleil ?
Rien n’est ici gratuit, collectionne

la mort dans tous ses avatars,
la douleur, le cri, l’étreinte
maléfique, le baiser d’une trahison
ourdie.

La vie, cantique des cantiques ? Bien sûr,
mais en-dessous cette autre vérité
de nuit et de brouillard,
preuve par neuf qui dure

jusqu’à la fin.


Cees Nooteboom (né en 1933 à La Haye) – L’oeil du moine suivi de Adieu (Actes Sud, 2021) – Traduit du néerlandais par Philippe Noble.

Pedro Salinas – Demain

« Demain » Le mot
allait, délié, vacant,
sans poids dans le vent,
si dénué d’âme et de corps,
de couleur, de baiser,
que je l’ai laissé passer
près de moi aujourd’hui.

Mais soudain toi
tu as dit : « Moi, demain… »
Et tout se peuple
de chair et de bannières.
Sur moi se précipitaient
les promesses
aux six cents couleurs,
avec des robes à la mode,
nues, mais toutes
chargées de caresses.

En train ou en gazelles
m’arrivaient -aigus,
sons de violons-
des espoirs ténus
de bouches virginales.
Ou rapides et grandes
comme des navires, de loin,
comme des baleines
depuis des mers distantes,
d’immenses espérances
d’un amour sans final.

Demain ! Quel mot
vibrant, tendu
d’âme et de chair rose,
corde de l’arc
où tu posas, si effilée,
arme de vingt années,
la flèche la plus sûre
lorsque tu dis : « Moi…. »

Jean Malrieu – Cette plainte merveilleuse de l’âme

Cette plainte merveilleuse de l’âme, c’est l’amour.
Écoute-la. Je n’ai point d’âge, mais, nourri d’épices, chargé de sel, couvert d’humus, empli de choses à naître,
Je suis maître de moi comme d’un navire, et mon corps est un voilier d’avril, de vice, d’impudeur.
J’ose aimer et je délire.
Notre amour sent le lys et le soufre.
Désir rauque, fouette-moi de tes ronces.
Je lutte avec toi dans la broussaille.
Cherche-moi. Trouve-moi.
Les herbes giclent vert.
Nous sommes un printemps au monde,
Acharnés comme des lutteurs au-dessus de la mort.

Jean Malrieu (1915-1976) – Possible imaginaire (Oswald, 1975)

Merci…