Jean Giono, Colline

Ça a pris au Tonnerre de Dieu, là-bas, entre deux villages qui brûlaient des fanes de pommes de terre.
La bête souple du feu a bondi d’entre les bruyères comme sonnaient les coups de trois heures du matin. Elle était à ce moment-là dans les pinèdes à faire le diable à quatre. Sur l’instant, on a cru pouvoir la maîtriser sans trop de dégâts; mais elle a rué si dru, tout le jour et une partie de la nuit suivante, qu’elle a rompu les bras et fatigué les cervelles de tous les gars. Comme l’aube pointait, ils l’ont vue plus robuste et plus joyeuse que jamais qui tordait parmi les collines son large corps pareil à un torrent. C’était trop tard.
Depuis elle a poussé sa tête rouge à travers les bois et les landes, son ventre de flammes suit; sa queue, derrière elle, bat les braises et les cendres. Elle rampe, elle saute, elle avance. Un coup de griffe à droite, un à gauche; ici elle éventre une chênaie; là elle dévore d’un seul craquement de gueule vingt chênes blancs et trois pompons de pins; le dard de sa langue tâte le vent pour prendre la direction. On dirait qu’elle sait où elle va.
Et c’est son mufle dégouttant de sang que Maurras a aperçu dans la combe.
Jean Giono, Colline.
En souvenir d’un apprentissage « par coeur » de ce texte, à l’école primaire, avec difficulté et douleur car je n’ai jamais été doué pour apprendre par coeur, encore moins la prose.

L’eau vive

Pour rester dans l’inspiration « Giono », une chanson que Guy Béart
L’eau vive
Guy Béart
Ma petite est comme l’eau, elle est comme l’eau vive
Elle court comme un ruisseau, que les enfants poursuivent
Courez, courez vite si vous le pouvez
Jamais, jamais vous ne la rattraperez
Lorsque chantent les pipeaux, lorsque danse l’eau vive
Elle mene les troupeaux, au pays des olives
Venez, venez, mes chevreaux, mes agnelets
Dans le laurier, le thym et le serpolet
Un jour que, sous les roseaux, sommeillait mon eau vive
Vinrent les gars du hameau pour l’emmener captive
Fermez, fermez votre cage à double cle
Entre vos doigts, l’eau vive s’envolera
Comme les petits bateaux, emportes par l’eau vive
Dans ses yeux les jouvenceaux voguent à la derive
Voguez, voguez demain vous accosterez
L’eau vive n’est pas encore à marier
Pourtant un matin nouveau à l’aube, mon eau vive
Viendra battre son trousseau, aux cailloux de la rive
Pleurez, pleurez, si je demeure esseulé
Le ruisselet, au large, s’en est alle.