« Demain » Le mot allait, délié, vacant, sans poids dans le vent, si dénué d’âme et de corps, de couleur, de baiser, que je l’ai laissé passer près de moi aujourd’hui.
Mais soudain toi tu as dit : « Moi, demain… » Et tout se peuple de chair et de bannières. Sur moi se précipitaient les promesses aux six cents couleurs, avec des robes à la mode, nues, mais toutes chargées de caresses.
En train ou en gazelles m’arrivaient -aigus, sons de violons- des espoirs ténus de bouches virginales. Ou rapides et grandes comme des navires, de loin, comme des baleines depuis des mers distantes, d’immenses espérances d’un amour sans final.
Demain ! Quel mot vibrant, tendu d’âme et de chair rose, corde de l’arc où tu posas, si effilée, arme de vingt années, la flèche la plus sûre lorsque tu dis : « Moi…. »
Cette plainte merveilleuse de l’âme, c’est l’amour. Écoute-la. Je n’ai point d’âge, mais, nourri d’épices, chargé de sel, couvert d’humus, empli de choses à naître, Je suis maître de moi comme d’un navire, et mon corps est un voilier d’avril, de vice, d’impudeur. J’ose aimer et je délire. Notre amour sent le lys et le soufre. Désir rauque, fouette-moi de tes ronces. Je lutte avec toi dans la broussaille. Cherche-moi. Trouve-moi. Les herbes giclent vert. Nous sommes un printemps au monde, Acharnés comme des lutteurs au-dessus de la mort.
Jean Malrieu (1915-1976) – Possible imaginaire (Oswald, 1975)
La Chanson de Tessa, musique de Maurice Jaubert sur un texte de Jean Giraudoux, a été créée pour la pièce Tessa, la nymphe au cœur fidèle (Giraudoux)
Chanson de Tessa
Si tu meurs, les oiseaux se tairont pour toujours. Si tu es froide, aucun soleil ne brûlera. Au matin la joie de l’aurore Ne lavera plus mes yeux. Tout autour de la tombe Les rosiers épanouis Laisseront pendre et flétrir leurs fleurs. La beauté mourra avec toi Mon seul amour. Si je meurs, les oiseaux ne se tairont qu’un jour, Si je meurs, pour une autre un jour tu m’oublieras. De nouveau la joie de vivre Alors lavera tes yeux Au matin tu verras La montagne illuminée Sur ma tombe t’offrir mille fleurs. La beauté revivra sans moi Mon seul amour !
Et je chantais cette romance En 1903 sans savoir Que mon amour à la semblance Du beau Phénix s’il meurt un soir Le matin voit sa renaissance.
Un soir de demi-brume à Londres Un voyou qui ressemblait à Mon amour vint à ma rencontre Et le regard qu’il me jeta Me fit baisser les yeux de honte
Je suivis ce mauvais garçon Qui sifflotait mains dans les poches Nous semblions entre les maisons Onde ouverte de la Mer Rouge Lui les Hébreux moi Pharaon
Oue tombent ces vagues de briques Si tu ne fus pas bien aimée Je suis le souverain d’Égypte Sa soeur-épouse son armée Si tu n’es pas l’amour unique
Au tournant d’une rue brûlant De tous les feux de ses façades Plaies du brouillard sanguinolent Où se lamentaient les façades Une femme lui ressemblant
C’était son regard d’inhumaine La cicatrice à son cou nu Sortit saoule d’une taverne Au moment où je reconnus La fausseté de l’amour même
Lorsqu’il fut de retour enfin Dans sa patrie le sage Ulysse Son vieux chien de lui se souvint Près d’un tapis de haute lisse Sa femme attendait qu’il revînt
L’époux royal de Sacontale Las de vaincre se réjouit Quand il la retrouva plus pâle D’attente et d’amour yeux pâlis Caressant sa gazelle mâle
J’ai pensé à ces rois heureux Lorsque le faux amour et celle Dont je suis encore amoureux Heurtant leurs ombres infidèles Me rendirent si malheureux
Regrets sur quoi l’enfer se fonde Qu’un ciel d’oubli s’ouvre à mes voeux Pour son baiser les rois du monde Seraient morts les pauvres fameux Pour elle eussent vendu leur ombre
J’ai hiverné dans mon passé Revienne le soleil de Pâques Pour chauffer un coeur plus glacé Que les quarante de Sébaste Moins que ma vie martyrisés
Mon beau navire ô ma mémoire Avons-nous assez navigué Dans une onde mauvaise à boire Avons-nous assez divagué De la belle aube au triste soir
Adieu faux amour confondu Avec la femme qui s’éloigne Avec celle que j’ai perdue L’année dernière en Allemagne Et que je ne reverrai plus
Voie lactée ô soeur lumineuse Des blancs ruisseaux de Chanaan Et des corps blancs des amoureuses Nageurs morts suivrons-nous d’ahan Ton cours vers d’autres nébuleuses
Je me souviens d’une autre année C’était l’aube d’un jour d’avril J’ai chanté ma joie bien-aimée Chanté l’amour à voix virile Au moment d’amour de l’année
C’est la nuit. La nuit est très noire. Dans une maison très loin Brille la lumière d’une fenêtre. Je la vois et je me sens humain de la tête aux pieds. C’est étrange que toute la vie de la personne qui vit là-bas et que je ne connais pas M’attire uniquement pour cette lumière vue de loin. Sans aucun doute sa vie est réelle : elle a un visage, des gestes, une famille et un métier.
Mais pour l’instant seule m’importe la lumière de sa fenêtre. Bien qu’il y ait cette lumière là-bas parce qu’elle l’a allumée, La lumière est la réalité qui me fait face. Je ne passe jamais au-delà de la réalité immédiate. Au-delà de la réalité immédiate, il n’y a rien. Si moi, de là où je suis, je ne vois que cette lumière, Par rapport à la distance où je me trouve il n’y a que cette lumière. L’homme et sa famille sont réels au-delà de la fenêtre, Et je suis en-deçà, à une très grande distance. La lumière s’est éteinte. Que m’importe que l’homme continue d’exister ? Ce n’est que lui qui continue d’exister.
Je ne peux vivre sans ressentir la présence toujours D’une étincelle de feu clair. Mon cœur préfère errer éternellement Que se rafraîchir dans le courant du jour.
Je cherche l’amour aux ultimes confins Et brûle de me dissoudre enfin, Quand bien même tous les appuis me lâchent, Me jouant aux mains du Malin.
Je me tiens rayonnante devant les plus profonds abîmes, afin de connaître leur sens ultime Et il m’est permis aux heures magiques D’aller à l’origine, au fond des énigmes.
Ingeborg Bachmann (1926-1973)– Toute personne qui tombe a des ailes (Poésie/Gallimard, 2015) – Traduit de l’allemand (Autriche) par Françoise Rétif.
C’est peut-être le dernier jour de ma vie. J’ai salué le soleil, en levant la main droite, Mais je ne l’ai pas salué pour lui dire adieu. Je lui ai fait signe que j’étais heureux de le voir encore, c’est tout.
personne d’autre que toi ne peut te sauver. tu te retrouveras sans cesse dans des situations quasiment impossibles. ils essaieront encore et encore usant de subterfuges, de tromperie, par force, de te soumettre, te faire lâcher prise et/ou crever tranquillement de l’intérieur.
personne d’autre que toi ne peut te sauver et il serait facile d’échouer, si facile. mais non, non et non. regarde-les tout simplement écoute-les. tu veux être comme ça ? un être sans visage, sans esprit, sans cœur ? tu veux expérimenter la mort avant de mourir ?
personne d’autre que toi ne peut te sauver et tu vaux la peine d’être sauvé. c’est une guerre pas facile à gagner mais si quelque chose vaut bien la peine d’être sauvé c’est ça.
pense-y. pense à sauver ta peau.
nobody can save you but yourself. you will be put again and again into nearly impossible situations. they will attempt again and again through subterfuge, guise and force to make you submit, quit and/or die quietly inside.
nobody can save you but yourself and it will be easy enough to fail so very easily but don’t, don’t, don’t. just watch them. listen to them. do you want to be like that? a faceless, mindless, heartless being? do you want to experience death before death?
nobody can save you but yourself and you’re worth saving. it’s a war not easily won but if anything is worth winning then this is it.