Jean-Michel Caradec – A Kernoa / Les oiseaux volaient à l’envers

Les Oiseaux Volaient à L’envers

Jean Michel Caradec

Le ciel était couleur de sang
Et, se levant à l’horizon,
Le soleil semblait être blanc
Je ne sais plus bien la saison
Pourtant, je m’en souviens très bien
Tout comme si c’était hier
Je les ai vus venir de loin
Les oiseaux volaient à l’envers

Je devais t’emmener au bal
Ton père n’avait pas voulu
Je n’étais pas son idéal
Je n’étais pas le bienvenu
J’étais revenu par les bois
Le ciel était déchiré d’orages
Et je les ai vus devant moi
Les oiseaux volaient à l’envers

Depuis, les choses ont changé
La mémoire se joue de nous
Pourtant, je ne n’ai rien oublié
De cette nuit, des oiseaux fous
Je revois souvent ce jour-là
Tout comme si c’était hier
Ils me tourmentent, ils sont là
Les oiseaux volaient à l’envers

Le ciel devient couleur de sang
Je vois devant moi l’horizon
Le soleil me semble être blanc
J’oublie le jour et la saison
Mes yeux sont brouillés par la pluie
Et mes mains tremblent de colère
Le jour, soudain, devient la nuit
Les oiseaux volaient à l’envers

Cyril Mokaiesh et Giovanni Mirabassi – Parler aux Anges

Parler aux anges
Pierre Vassiliu
Ne soyez pas si cruels avec les anges
N’attendez pas qu’ils appellent
Ça les dérange
Une main sur les épaules
Vous sentez bien qu’ils vous frôlent
Mais vous n’osez c’est étrange
Parler aux anges
Une main sur les épaules
Vous sentez bien qu’ils vous frôlent
Mais vous n’osez c’est étrange
Parler aux anges
Et toi tu sembles bien lasse
De mes discours
Mais si une autre main t’enlace
Mon amour
Je la roulerai dans la fange
Et j’attendrai que mon ange
S’il se trouve sur mon parcours
Accours
Je la roulerai dans la fange
Et j’attendrai que mon ange
S’il se trouve sur mon parcours
Accours
J’ai du jouer mon âme au diable
Pour toujours
Parfois mon autre m’accable
Et je savoure
De le jeter de ma table
Mais aussitôt il revient
Et il pose alors sa main
Aimable
De le jeter de ma table
Mais aussitôt il revient
Et il pose alors sa main
Aimable
Mais quoi faire ou ne pas faire
Pour vivre libre
Je n’ai pas voulu prier
Pour qu’on me délivre
Mais quand on nous a tout pris
Liberté n’a pas de prix
Z’ont bon dos les rimes en ange
Mais je me venge
Mais quand on nous a tout pris
Liberté n’a pas de prix
Z’ont bon dos les rimes en ange
On s’en arrange
Paroliers : Pierre Vassiliu

Alain Souchon – La vie ne vaut rien

Il a tourné sa vie dans tous les sens
Pour savoir si ça avait un sens l’existence
Il a demandé leur avis à des tas de gens ravis
Ravis, de donner leur avis sur la vie
Il a traversé les vapeurs des derviches tourneurs
Des haschich fumeurs et il a dit
La vie ne vaut rien, rien, la vie ne vaut rien
Mais moi quand je tiens, tiens, mais moi quand je tiens
Là dans mes deux mains éblouies,
Les deux jolis petits seins de mon amie,
Là je dis rien, rien, rien, rien ne vaut la vie.
Il a vu l’espace qui passe
Entre la jet set les fastes, les palaces
Et puis les techniciens de surface,
D’autres espèrent dans les clochers, les monastères
Voir le vieux sergent pépère mais ce n’est que Richard Gere,
Il est entré comme un insecte sur site d’Internet
Voir les gens des sectes et il a dit
La vie ne vaut rien, rien, la vie ne vaut rien
Mais moi quand je tiens, tiens, mais moi quand je tiens
Là dans mes deux mains éblouies,
Les deux jolis petits seins de mon amie,
Là je dis rien, rien, rien, rien ne vaut la vie.
Il a vu manque d’amour, manque d’argent
Comme la vie c’est détergeant
Et comme ça nettoie les gens,
Il a joué jeux interdit pour des amis endormis, la nostalgie
Et il a dit
La vie ne vaut rien, rien, la vie ne vaut rien
Mais moi quand je tiens, tiens, mais moi quand je tiens
Là dans mes deux mains éblouies,
Les deux jolis petits seins de mon amie,
Là je dis rien, rien, rien, rien ne vaut la vie.
Rien, rien, rien, rien ne vaut la vie
Rien, rien, rien, rien ne vaut la vie

Alexis HK – Les trompettes de la renommée

Je vivais à l’écart de la place publique,
Serein, contemplatif, ténébreux, bucolique…
Refusant d’acquitter la rançon de la gloir’,
Sur mon brin de laurier je dormais comme un loir.
Les gens de bon conseil ont su me fair’ comprendre
Qu’à l’homme de la ru’ j’avais des compt’s à rendre
Et que, sous peine de choir dans un oubli complet,
J’ devais mettre au grand jour tous mes petits secrets.
Trompettes
De la Renommée,
Vous êtes
Bien mal embouchées !
Manquant à la pudeur la plus élémentaire,
Dois-je, pour les besoins d’ la caus’ publicitaire,
Divulguer avec qui, et dans quell’ position
Je plonge dans le stupre et la fornication ?
Si je publi’ des noms, combien de Pénélopes
Passeront illico pour de fieffé’s salopes,
Combien de bons amis me r’gard’ront de travers,
Combien je recevrai de coups de revolver !
A toute exhibition, ma nature est rétive,
Souffrant d’un’ modesti’ quasiment maladive,
Je ne fais voir mes organes procréateurs
A personne, excepté mes femm’s et mes docteurs.
Dois-je, pour défrayer la chroniqu’ des scandales,
Battre l’ tambour avec mes parti’s génitales,
Dois-je les arborer plus ostensiblement,
Comme un enfant de ch?ur porte un saint sacrement ?
Une femme du monde, et qui souvent me laisse
Fair’ mes quat’ voluptés dans ses quartiers d’ noblesse,
M’a sournois’ment passé, sur son divan de soi’,
Des parasit’s du plus bas étage qui soit…
Sous prétexte de bruit, sous couleur de réclame,
Ai-j’ le droit de ternir l’honneur de cette dame
En criant sur les toits, et sur l’air des lampions :
 » Madame la marquis’ m’a foutu des morpions !  » ?
Le ciel en soit loué, je vis en bonne entente
Avec le Pèr’ Duval, la calotte chantante,
Lui, le catéchumène, et moi, l’énergumèn’,
Il me laisse dire merd’, je lui laiss’ dire amen,
En accord avec lui, dois-je écrir’ dans la presse
Qu’un soir je l’ai surpris aux genoux d’ ma maîtresse,
Chantant la mélopé’ d’une voix qui susurre,
Tandis qu’ell’ lui cherchait des poux dans la tonsure ?
Avec qui, ventrebleu ! faut-il que je couche
Pour fair’ parler un peu la déesse aux cent bouches ?
Faut-il qu’un’ femme célèbre, une étoile, une star,
Vienn’ prendre entre mes bras la plac’ de ma guitar’ ?
Pour exciter le peuple et les folliculaires,
Qui’est-c’ qui veut me prêter sa croupe populaire,
Qui’est-c’ qui veut m’ laisser faire, in naturalibus,
Un p’tit peu d’alpinism’ sur son mont de Vénus ?
Sonneraient-ell’s plus fort, ces divines trompettes,
Si, comm’ tout un chacun, j’étais un peu tapette,
Si je me déhanchais comme une demoiselle
Et prenais tout à coup des allur’s de gazelle ?
Mais je ne sache pas qu’ça profite à ces drôles
De jouer le jeu d’ l’amour en inversant les rôles,
Qu’ça confère à ma gloire un’ onc’ de plus-valu’,
Le crim’ pédérastique, aujourd’hui, ne pai’ plus.
Après c’tour d’horizon des mille et un’ recettes
Qui vous val’nt à coup sûr les honneurs des gazettes,
J’aime mieux m’en tenir à ma premièr’ façon
Et me gratter le ventre en chantant des chansons.
Si le public en veut, je les sors dare-dare,
S’il n’en veut pas je les remets dans ma guitare.
Refusant d’acquitter la rançon de la gloir’,
Sur mon brin de laurier je m’endors comme un loir.
Georges Charles Brassens

Au bois de mon coeur

Au bois de mon coeur
Georges Brassens
Au bois d’Clamart y a des petit’s fleurs
Y a des petit’s fleurs
Y a des copains au, au bois d’mon cœur
Au, au bois d’mon cœur
Au fond de ma cour j’suis renommé
J’suis renommé
Pour avoir le cœur mal famé
Le cœur mal famé
Au bois d’Vincenn’s y a des petit’s fleurs
Y a des petit’s fleurs
Y a des copains au, au bois d’mon cœur
Au, au bois d’mon cœur
Quand y a plus d’vin dans mon tonneau
Dans mon tonneau
Ils n’ont pas peur de boir’ mon eau
De boire mon eau
Au bois d’Meudon y a des petit’s fleurs
Y a des petit’s fleurs
Y a des copains au, au bois d’mon cœur
Au, au bois d’mon cœur
Ils m’accompagn’nt à la mairie
A la mairie
Chaque fois que je me marie
Que je me marie
Au bois d’Saint-Cloud y a des petit’s fleurs
Y a des petit’s fleurs
Y a des copains au, au bois d’mon cœur
Au, au bois d’mon cœur
Chaqu’ fois qu’je meurs fidèlement
Fidèlement
Ils suivent mon enterrement
Mon enterrement
…des petites fleurs…
Au, au bois d’mon cœur…

Georges Brassens : Supplique pour être enterré à la plage de Sète.

Supplique pour être enterré à la plage de Sète.
La Camarde qui ne m’a jamais pardonné
D´avoir semé des fleurs dans les trous de son nez
Me poursuit d’un zèle imbécile
Alors cerné de près par les enterrements
J´ai cru bon de remettre à jour mon testament
De me payer un codicille
Trempe dans l’encre bleue du Golfe du Lion
Trempe, trempe ta plume, à mon vieux tabellion
Et de ta plus belle écriture
Note ce qu’il faudra qu’il advint de mon corps
Lorsque mon âme et lui ne seront plus d’accord
Que sur un seul point, la rupture
Quand mon âme aura pris son vol à l’horizon
Vers celle de Gavroche et de Mimi Pinson
Celles des titis, des grisettes
Que vers le sol natal mon corps soit ramené
Dans un sleeping du Paris-Méditerranée
Terminus en gare de Sète
Mon caveau de famille, hélas! n’est pas tout neuf
Vulgairement parlant, il est plein comme un œuf
Et d’ici que quelqu’un n’en sorte
Il risque de se faire tard et je ne peux
Dire à ces braves gens, poussez-vous donc un peu
Place aux jeunes en quelque sorte
Juste au bord de la mer à deux pas des flots bleus
Creusez si c’est possible un petit trou moelleux
Une bonne petite niche
Auprès de mes amis d’enfance, les dauphins
Le long de cette grève où le sable est si fin
Sur la plage de la corniche
C’est une plage où même à ses moments furieux
Neptune ne se prend jamais trop au sérieux
Où quand un bateau fait naufrage
Le capitaine crie « Je suis le maître à bord!
Sauve qui peut, le vin et le pastis d’abord
Chacun sa bonbonne et courage »
Oh, et c’est là que jadis à quinze ans révolus
A l’âge où s’amuser tout seul ne suffit plus
Je connu la prime amourette
Auprès d’une sirène, une femme-poisson
J’ai reçu de l’amour la première leçon
Avalait la première arête
Déférence gardée envers Paul Valéry
Moi l’humble troubadour sur lui je renchéris
Le bon maître me le pardonne
Et qu’au moins si ses vers valent mieux que les miens
Mon cimetière soit plus marin que le sien
N’en déplaise aux autochtones
Cette tombe en sandwich entre le ciel et l’eau
Ne donnera pas une ombre triste au tableau
Mais un charme indéfinissable
Les baigneuses s’en serviront de paravent
Pour changer de tenue et les petits enfants
Diront, chouette, un château de sable!
Est-ce trop demander, sur mon petit lopin
Planter, je vous en prie une espèce de pin
Pin parasol de préférence
Qui saura prémunir contre l´insolation
Les bons amis venus faire sur ma concession
D’affectueuses révérences
Tantôt venant d’Espagne, tantôt d’Italie
Tous chargés de parfums, de musiques jolies
Le Mistral, la Tramontane
Sur mon dernier sommeil verseront les échos
De villanelle, un jour, un jour de fandango
De tarentelle, de sardane
Et quand prenant ma butte en guise d’oreiller
Une ondine viendra gentiment sommeiller
Avec moins que rien de costume
J’en demande pardon par avance à Jésus
Si l’ombre de sa croix s’y couche un peu dessus
Pour un petit bonheur posthume
Pauvres rois pharaons, pauvre Napoléon
Pauvres grands disparus gisant au Panthéon
Pauvres cendres de conséquence
Vous envierez un peu l’éternel estivant
Qui fait du pédalo sur la vague en rêvant
Qui passe sa mort en vacances
Georges Brassens