Giuseppe Ungaretti – Au repos

Le soleil s’essaime en diamants
de gouttes d’eau
sur l’herbe souple

Je reste docile
à l’inclination
de l’univers serein

Les montagnes se dilatent
en gorgées d’ombre lilas
et vaguent avec le ciel

Là-haut à la voûte légère
l’enchantement s’est brisé

Et je tombe en moi

Et je m’enténèbre dans mon coin

Versa, 27 avril 1916

Giuseppe Ungaretti (1888-1970)Sentimento del tempo (1933)Vie d’un homme. Poésie, 1914-1970 (Poésie/Gallimard, 1981) – Traduit de l’italien par Jean Lescure.

Merci Beauty will save the world

Richard Rognet – Il reste toujours quelque chose des amours

Il reste toujours quelque chose des amours
mortes ou perdues, un regard sur les prés,
sur une fleur qui penche vers le soir,
sur les montagnes qui émergent après

les brumes du matin, il reste toujours,
sous nos paupières, des rêves inachevés,
des souvenirs de neiges ou d’étoiles
filantes comptées dans les nuits d’août,

il reste aussi quelques fenêtres ouvertes
sur les averses d’été qui sentent si bon
qu’on se sent proche d’un nouvel amour,

d’un amour tranquille et brûlant à la fois,
qui tremblerait à la lisière du temps
comme un dernier sourire, avant de s’en aller.

Richard Rognet – Élégies pour le temps de vivre (Gallimard, 2012)

Stances à la marquise

Stances à Marquise

Marquise, si mon visage
A quelques traits un peu vieux,
Souvenez-vous qu’à mon âge
Vous ne vaudrez guère mieux.

Le temps aux plus belles choses
Se plaît à faire un affront :
Il saura faner vos roses
Comme il a ridé mon front.

Le même cours des planètes
Règle nos jours et nos nuits :
On m’a vu ce que vous êtes
Vous serez ce que je suis.

Cependant j’ai quelques charmes
Qui sont assez éclatants
Pour n’avoir pas trop d’alarmes
De ces ravages du temps.

Vous en avez qu’on adore ;
Mais ceux que vous méprisez
Pourraient bien durer encore
Quand ceux-là seront usés.

Ils pourront sauver la gloire
Des yeux qui me semblent doux,
Et dans mille ans faire croire
Ce qu’il me plaira de vous.

Chez cette race nouvelle
Où j’aurai quelque crédit,
Vous ne passerez pour belle
Qu’autant que je l’aurai dit.

Pensez-y, belle Marquise,
Quoiqu’un grison fasse effroi,
Il vaut bien qu’on le courtise
Quand il est fait comme moi.

Pierre Corneille – 1658

İlhan Şeşen – Bir Demet Yasemen

Bir Demet Yasemen
Zeki Müren
Un tas de jasmin,
Bir demet yasemen,

Le seul souvenir de mon amour
Aşkimin tek hatirasi,

La séparation ne s’arrête pas,
Bitmiyor ayrilik,

Il n’écoute pas la blessure de mon cœur,
Dinmiyor gönlümün hicran yarasi,

Si je pleure et gémis,
Ağlasam inlesem,

Le pays du baht indélébile,
Silinmez bahtin karasi,

La séparation ne s’arrête pas,
Bitmiyor ayrilik,

Il n’écoute pas la blessure de mon cœur,
Dinmiyor gönlümün hicran yarasi,
Si cette saison revient,
Tekrar o mevsim gelse,

Si vous avez encore faim,
Tekrar yasemenler açsa,

Le souvenir de notre amour,
Aşkimizin anisini,

Si nous revivons dans cette blancheur,
O beyazlikta yeniden yaşasak,

Prends tout le jasmin de moi,
Bütün yasemenleri al benden,

Que ce soit tout à toi,
Hepsi senin olsun,

Reviens à moi, reviens maintenant.
Dön bana artik dön, dön artik.
Source : Musixmatch
Paroliers : Zeki Muren

David Eloy Rodríguez – Lignes de fuite

Fuir loin de la haine et de ses tanières
portés par la passion et la quête.
Fuir et aller de désespoirs en refuges
avec pour seul viatique l’amour et le trouble.
Fuir vers un temps sans points cardinaux
comme un équilibriste sur la corde frêle de la sagesse
ou comme des mendiants qui poursuivent
un coeur bien mérité sur cette terre.
Fuir guidés par des boussoles brisées.
Fuir et croire en la fuite.
Fuir pour se retrouver.

Líneas de fuga

Huir lejos del odio y sus madrigueras
encendidos de pasión y búsquedas.
Huir por desesperaciones y refugios
con un equipaje de amor y desasosiego.
Huir hacia una hora sin puntos cardinales,
como equilibristas por el fino cordel de la cordura
o como mendigos que persiguen
un merecido corazón sobre la tierra.
Huir guiados por brújulas rotas.
Huir confiando en la fuga.
Huir para encontrarnos.

David Eloy Rodríguez (né à Cáceres, Espagne en 1976) – Judite Rodrigues, Poésie par effraction (Université Bordeaux Montaigne, 2015)

Entre Ses Bras (live) Cécile Corbel & Pomme

ll n’aime qu’elle, et elle n’aime que lui
Comme un manège entre ses bras
Un air de valse, un secret entre elle et lui
Un pas de danse qui n’en finit pas
Qu’est ce que ça peut faire
Si le monde tourne à l’envers ?
Le temps qui passe ne revient pas
Qu’est ce que ça peut faire
Si le monde va de travers ?
Cette nuit, je dors entre tes bras
C’est une chanson d’amour
Un air qu’on chante a demi-mot
Jour après nuit, nuit après jour
Un parfum qui reste sur la peau
Il n’aime qu’elle et elle n’aime que lui
Leurs yeux se perdent à l’infini
Et si le jour sur eux décline
Pas de crainte ils ont promis
Que l’aube s’enchaîne toujours a la nuit
Qu’est ce que ça peut faire
Si le monde tourne à l’envers ?
Le temps qui passe ne revient pas
Qu’est ce que ça peut faire
Si le monde va de travers ?
Cette nuit, je dors entre tes bras
C’est une chanson d’amour
Un air qu’on chante a demi-mot
Jour après nuit, nuit après jour
Un parfum qui reste sur la peau
C’est une chanson d’amour
Un air qu’on chante a demi-mot
Jour après nuit, nuit après jour
Un parfum qui reste sur la peau

Maxime Le Forestier – Les passantes

Les Passantes
Georges Brassens

Je veux dédier ce poème
A toutes les femmes qu’on aime
Pendant quelques instants secrets
A celles qu’on connaît à peine
Qu’un destin différent entraîne
Et qu’on ne retrouve jamais
A celle qu’on voit apparaître
Une seconde à sa fenêtre
Et qui, preste, s’évanouit
Mais dont la svelte silhouette
Est si gracieuse et fluette
Qu’on en demeure épanoui
A la compagne de voyage
Dont les yeux, charmant paysage
Font paraître court le chemin
Qu’on est seul, peut-être, à comprendre
Et qu’on laisse pourtant descendre
Sans avoir effleuré sa main
A la fine et souple valseuse
Qui vous sembla triste et nerveuse
Par une nuit de carnaval
Qui voulu rester inconnue
Et qui n’est jamais revenue
Tournoyer dans un autre bal
A celles qui sont déjà prises
Et qui, vivant des heures grises
Près d’un être trop différent
Vous ont, inutile folie,
Laissé voir la mélancolie
D’un avenir désespérant
Chères images aperçues
Espérances d’un jour déçues
Vous serez dans l’oubli demain
Pour peu que le bonheur survienne
Il est rare qu’on se souvienne
Des épisodes du chemin
Mais si l’on a manqué sa vie
On songe avec un peu d’envie
A tous ces bonheurs entrevus
Aux baisers qu’on n’osa pas prendre
Aux cœurs qui doivent vous attendre
Aux yeux qu’on n’a jamais revus
Alors, aux soirs de lassitude
Tout en peuplant sa solitude
Des fantômes du souvenir
On pleure les lèvres absentes
De toutes ces belles passantes
Que l’on n’a pas su retenir

Paroliers : Antoine Pol / Georges Charles Brassens / Joel Favreau