Finir pêcheur

Un jour, finir pêcheur
Parce que ça grandit l´homme.
Heureux comme ça,
Pas gagner plus d´argent.
Le matin, me lever,
Pas connu, pas guetté,
Parce que ça fait mal,
Ça fait mal a l´homme,
La célébrité.
Finir dans l´eau salée,
Juste savoir compter,
Vider le sablier
Et puis tout oublier
Parce que ça grandit l´homme,
De vivre sans parler,
Vivre sans paroles
Et d´apprendre à se taire,
Regarder sans voir
Les enfants qui dansent
Au bord du miroir.
Mais c´est toujours trop loin,
Toujours dans le noir,
Inaccessible,
Pareil au cœur de la cible.
Un jour, finir pêcheur,
Que personne s´en souvienne,
L´écrive ou le dise,
Vider sa valise
Et brûler les journaux,
Les tapis, les photos,
Sans rien vouloir apprendre
Pour que les enfants sachent
Qu´on va quelque part
Quand on oublie tout,
Qu´on oublie les coups,
Qu´on déplie, qu´on secoue,
Que la folie s´attrape,
Qu´on déchire la nappe,
Maladie tout à coup
Que tu portes à ton cou
Comme un collier de fleurs,
De larmes et de couleurs.
Un jour, finir pêcheur,
Mollusque divin,
Peau de parchemin.
Mais c´est toujours trop loin,
A portée de la main,
Inaccessible,
Pareil au cœur de la cible.
Un jour, finir pêcheur,
Tuer le mal de l´homme,
Se libérer de tout,
Prendre dans la mer
Les coraux, les vipères,
Et tout ça dans la main,
Sans lumière et sans gaz
Et sans barbe qu´on rase,
Un jour, finir pêcheur,
Avaler le compteur,
Regarder sans voir
Le calendrier
Qui tombe en poussière.
Qu´elle est loin, la terre.
Qu´elle est loin, la terre.
Le calendrier
Qui tombe en poussière.
Qu´elle est loin, la terre.
Qu´elle est loin, la terre.
Gérard Manset

Heureux qui comme Ulysse…

Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d’usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !

Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m’est une province, et beaucoup davantage ?

Plus me plaît le séjour qu’ont bâti mes aïeux,
Que des palais Romains le front audacieux,
Plus que le marbre dur me plaît l’ardoise fine :

Plus mon Loir gaulois, que le Tibre latin,
Plus mon petit Liré, que le mont Palatin,
Et plus que l’air marin la doulceur angevine.

 
Joachim DU BELLAY (1522-1560)

Les chaussettes

Elles sont là sur le fauteuil, dans un petit sac en papier blanc. Plusieurs paires, bien rangées. Où vont se fixer la mémoire et l’émotion… En laine, en coton, à bouclettes, de diverses épaisseurs, elles t’ont accompagné dans tes randonnées, dans le parcours de ta vie. Une vie à marcher, à arpenter les montagnes, les cols, les sommets, les villages habités ou fuis par leurs habitants, les voies romaines, les sentiers muletiers, les chemins forestiers, les chemins des charbonniers, les pistes, les vagues traces laissées par les troupeaux dans les alpages, une vie à marcher sur des chemins de mémoire.
Alors, glisser mes pieds, dans tes pas, dans tes enjambées, te suivre, te précéder, t’emmener avec moi. Je crains et attends ce moment avec impatience et appréhension.
Glisser mes pieds dans tes chaussettes.

Et maintenant…….

Et maintenant que vais-je faire
De tout ce temps que sera ma vie
De tous ces gens qui m´indiffèrent
Maintenant que tu es partie
Toutes ces nuits, pourquoi pour qui
Et ce matin qui revient pour rien
Ce cœur qui bat, pour qui, pourquoi
Qui bat trop fort, trop fort
Et maintenant que vais-je faire
Vers quel néant glissera ma vie
Tu m´as laissé la terre entière
Mais la terre sans toi c´est petit
Vous, mes amis, soyez gentils
Vous savez bien que l´on n´y peut rien
Même Paris crève d´ennui
Toutes ses rues me tuent
Et maintenant que vais-je faire
Je vais en rire pour ne plus pleurer
Je vais brûler des nuits entières
Au matin je te haïrai
Et puis un soir dans mon miroir
Je verrai bien la fin du chemin
Pas une fleur et pas de pleurs
Au moment de l´adieu
Je n´ai vraiment plus rien à faire
Je n´ai vraiment plus rien…
Gilbert Bécaud

Babylone tu déconnes

Quoi qu’il arrive demain, je n’suis pas prêt d’oublier ça,
Un mec heureux m’a serré la main, un jour où j’avais froid,
Ecrasé sous une paire de seins géants, j’attendais le métro,
Il s’est assis près de moi en rigolant, et en jouant avec un yoyo yo yo yo,
Il m’a d’mandé : « comment ça va ? », j’ai répondu un peu surpris :
« Moi je suis loin du Nirvana, mais la vie c’est la vie »
Il m’a raconté des tas d’histoires, debout dans le compartiment,
Quand j’ai vu tout l’monde se parler, comme une parenthèse qui s’ouvrait dans l’temps.
J’y ai d’mandé où il allait, il m’a répondu : « je n’sais plus,
Mais c’est pas grave, là où je vais, je ne serai jamais perdu »,
Il est descendu en dansant à Sèvres-Babylone,
Il dansait en chantant Babylone tu déconnes.
Babylone, Babylone, Babylone, tu déconnes,
Babylone, Babylone, bientôt t’écraseras plus personne,
Babylone, Babylone, Babylone, tu déconnes,
Babylone, Babylone, bientôt t’écraseras plus personne.
Si vous l’rencontrez par hasard, ne le rembarrez pas,
Les occasions sont tellement rares, de rencontrer des mecs somme ça,
Non, c’n’est pas un ringard, vous apitoyez pas,
La pitié salirait son art, c’est un comique en t’nue d’gala.
Moi j’l’ai revu depuis ce jour et j’aime bien aller le voir,
Les médecins disent qu’il est fêlé, c’est vrai qu’il s’fend la poire,
Chambre vingt-trois, pavillon des Lilas,
Si tous les hôpitaux du monde pouvaient chanter comme ça !
Babylone, Babylone, Babylone, tu déconnes,
Babylone, Babylone, bientôt t’écraseras plus personne,
Babylone, Babylone, Babylone, tu déconnes,
Babylone, Babylone, bientôt t’écraseras plus personne
Bill Deraime

La goualante du pauvre Jean, Philippe Clay

La goualante du pauvre Jean
Esgourdez rien qu´un instant
La goualante du pauvre Jean
Que les femmes n´aimaient pas
Mais n´oubliez pas
Dans la vie y a qu´une morale
Qu´on soit riche ou sans un sou
Sans amour on n´est rien du tout
Il vivait au jour le jour
Dans la soie et le velours
Il pionçait dans de beaux draps
Mais n´oubliez pas
Dans la vie on est peau d´balle
Quand notre cœur est au clou
Sans amour on n´est rien du tout
Il bectait chez les barons
Il guinchait dans les salons
Et lichait tous les tafias
Mais n´oubliez pas
Rien ne vaut une belle fille
Qui partage votre ragoût
Sans amour on n´est rien du tout
Pour gagner des picaillons
Il fut un méchant larron
On le saluait bien bas
Mais n´oubliez pas
Un jour on fait la pirouette
Et derrière les verrous
Sans amour on n´est rien du tout
Esgourdez bien jeunes gens
Profitez de vos vingt ans
On ne les a qu´une fois
Et n´oubliez pas
Plutôt qu´une cordelette
Mieux vaut une femme à son cou
Sans amour on n´est rien du tout
Et voilà mes braves gens
La goualante du pauvre Jean
Qui vous dit en vous quittant
Aimez-vous….

La mer rouge

Artiste: Gérard Manset
Titre: La Mer Rouge
Parole de La Mer Rouge:
Si tu t’ retournes dans ta tombe,
T’entends la monnaie qui tombe.
Mon pauvre Henri, mon vieil Alfred,
Mon pauvre Henri, mon Fred,
Où tu pêchais les perles de nacre
On trouve des vieux clopes,
Des pneus Dunlop.
Y’en a qui font la Mer Rouge en stop.
Au fond des volcans, plus de lave.
Au fond des barques, plus d’esclaves.
Où tu pêchais les perles roses
Du soir au matin, y a les jets qui s’ posent
Au milieu des massifs qu’on arrose.
Mon pauvre Henri, mon vieil Alfred,
Mon pauvre Henri, mon Fred,
Au fond de l’eau, y a plus rien qui bouge.
Mon pauvre Henri, mon vieil Alfred,
Mon pauvre Henri, mon Fred,
Où sont les secrets de la Mer Rouge ?
Où sont les secrets de la Mer Rouge ?
Mon pauvre Henri, mon vieil Alfred,
Mon pauvre Henri, mon Fred,
Où tu pêchais les perles rares,
Des ploucs installent
Leur planche à voile
Pour faire un pique-nique sous les étoiles.
Moi-même, un jour, j’ai voulu
Tout vérifier, j’ai tout vu,
J’ai tout lu,
Parcouru
L’étendue.
J’ai rien reconnu.
Mon pauvre Henri, mon vieil Alfred,
Mon pauvre Henri, mon Fred,
Où tu pêchais les perles de nacre,
Juste à la même place
Y a un palace
On t’ sert ton whisky sur de la glace.
Mon pauvre Henri, mon vieil Alfred,
Mon pauvre Henri, mon Fred,
Au fond de l’eau, y a plus rien qui bouge.
Mon pauvre Henri, mon vieil Alfred,
Mon pauvre Henri, mon Fred,
Où sont les secrets de la Mer Rouge ?
Où sont les secrets de la Mer Rouge ?
Si tu t’ retournes dans ta tombe,
T’entends la monnaie qui tombe