Prière pour nos guides – Barbara Pravi

Il y’a ceux dont on sait les histoires
Ceux qui transmettent ou ceux qui taisent

There’re ones we loved and those we’ll never know
I wonder what they’ve been through
Their dream came true

D’une voix je garde le souvenir
Deep inside I feel the memory

Alors je tends les mains
Et j’adresse ces mots
À tous ceux qui m’ont faite, que je porte sous ma peau
Que nos voix les réveillent et que nos coeurs les reflètent
Puisqu’ils nous guident et nous guettent
De là haut, de là haut

Il y’a ceux dont on sait les batailles
Marcher dans leurs pas, leurs noms et leurs failles
Porter bien plus que ce qu’on laisse paraître
De la richesse, de nos dires ou de gestes

Let us know what you’ve seen
Hold us when we need you
We’ll cherish today
Yeah we owe it to you

Dans mon coeur, je garde le souvenir
Deep inside I feel the memory

Alors je tends les mains
Et j’adresse ces mots
À tous ceux qui m’ont faite, que je porte sous ma peau
Que nos voix les réveillent et que nos coeurs les reflètent
Puisqu’ils nous guident et nous guettent
De là haut

Alors je tends les mains
Oui j’accueille ce cadeau
D’être là d’être le porteur de votre écho
Que nos voix vous réveillent et que nos coeurs vous reflètent
Vous qui nous guident et nous guettent
De là haut, de là haut

Même quand je sais peu de vous
Je vous sens là en moi
I don’t know much about you
But I know that it’s true
Que nos voix les réveillent et que nos coeurs les reflètent
Puisqu’ils nous guident et nous guettent
De là haut, de là haut
De là haut, de là haut
De là haut, de là haut

Pierre Reverdy – Le Monde devant moi

Quelque temps passé
La nuit claire
Un nouveau soleil s’est levé
Le lendemain
Un vieillard à genoux tendait les mains
Les animaux couraient tout le long du chemin

Je me suis assis
J’ai rêvé
Une fenêtre s’ouvre sur ma tête
Il n’y a personne dedans
Un homme passe derrière la haie

La campagne où chante un seul oiseau
Quelqu’un a peur
Et l’on s’amuse
Là-bas entre deux petits enfants
La joie
Toi contre moi
La pluie efface les larmes
On ne peut pas marcher dans le sentier étroit
On rentre du même côté
Mais il y a une barrière
Quelque chose vient de tomber
Là-bas derrière

Une ombre plus grande que lui-même
fait le tour de la terre
Et moi je suis resté assis sans oser regarder

Guillaume Apollinaire – Vitam impendere amori.

L ’amour est mort entre tes bras
Te souviens-tu de sa rencontre
Il est mort, tu la referas
Il s’en revient à ta rencontre

Encore un printemps de passé
Je songe à ce qu’il eut de tendre
Adieu saison qui finissez
Vous nous reviendrez aussi tendre

Dans le crépuscule fané

Dans le crépuscule fané
Où plusieurs amours se bousculent
Ton souvenir gît enchaîné
Loin de nos ombres qui reculent

Ô mains qu’enchaîne la mémoire
Et brûlantes comme un bûcher
Où le dernier des phénix noire
Perfection vient se jucher

La chaîne s’use maille à maille
Ton souvenir riant de nous
S’enfuit l’entends-tu qui nous raille
Et je retombe à tes genoux

Tu n’as pas surpris mon secret

Tu n’as pas surpris mon secret
Déjà le cortège s’avance
Mais il nous reste le regret
De n’être pas de connivence

La rose flotte au fil de l’eau
Les masques ont passé par bandes
Il tremble en moi comme un grelot
Ce lourd secret que tu quémandes

Le soir tombe

Le soir tombe et dans le jardin
Elles racontent des histoires
À la nuit qui non sans dédain
Répand leurs chevelures noires

Petits enfants petits enfants
Vos ailes se sont envolées
Mais rose toi qui te défends
Perds tes odeurs inégalées

Car voici l’heure du larcin
De plumes de fleurs et de tresses
Cueillez le jet d’eau du bassin
Dont les roses sont les maîtresses

Tu descendais dans l’eau

Tu descendais dans l’eau si claire
Je me noyais dans ton regard
Le soldat passe elle se penche
Se détourne et casse une branche

Tu flottes sur l’onde nocturne
La flamme est mon cœur renversé
Couleur de l’écaille du peigne
Que reflète l’eau qui te baigne

Ô ma jeunesse abandonnée

Ô ma jeunesse abandonnée
Comme une guirlande fanée
Voici que s’en vient la saison
Et des dédains et du soupçon

Le paysage est fait de toiles
Il coule un faux fleuve de sang
Et sous l’arbre fleuri d’étoiles
Un clown est l’unique passant

Un froid rayon poudroie et joue
Sur les décors et sur ta joue
Un coup de revolver un cri
Dans l’ombre un portrait a souri

La vitre du cadre est brisée
Un air qu’on ne peut définir
Hésite entre son et pensée
Entre avenir et souvenir

Ô ma jeunesse abandonnée
Comme une guirlande fanée
Voici que s’en vient la saison
Des regrets et de la raison

Guillaume Apollinaire.
Vitam impendere amori.

Rainer Maria Rilke – Tu vois, je veux beaucoup…

Tu vois, je veux beaucoup.
Je veux peut-être tout :
l’obscurité dans l’infini de chaque chute,
le jeu tremblant de lumière de chaque ascension.

Il y en a tant qui vivent et ne veulent rien
et que les plats sentiments de leur facile tribunal
font rois.

Mais toi, tu te réjouis de tout visage
qui sert et qui a soif.

Tu te réjouis de tous ceux qui ont besoin de toi
comme d’un ustensile.

Tu n’es pas encore froid, il n’est pas trop tard
pour plonger dans tes infinies profondeurs
où la vie paisible se révèle.

Rainer Maria Rilke (1875-1926)Le Livre de la vie monastique (Arfuyen, 2019) – Traduit de l’allemand par Gérard Pfister.

Ma bohème – Arthur Rimbaud

Ma bohème

Arthur Rimbaud

Je m’en allais, les poings dans mes poches crevées ;
Mon paletot soudain devenait idéal ;
J’allais sous le ciel, Muse, et j’étais ton féal ;
Oh ! là là ! que d’amours splendides j’ai rêvées !

Mon unique culotte avait un large trou.
Petit-Poucet rêveur, j’égrenais dans ma course
Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse.
Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou

Et je les écoutais, assis au bord des routes,
Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes
De rosée à mon front, comme un vin de vigueur ;

Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,
Comme des lyres, je tirais les élastiques
De mes souliers blessés, un pied près de mon cœur !

Rimbaud, Arthur, « Ma bohème », Œuvres, Paris, Garnier, 1960.

Giuseppe Ungaretti – Au repos

Le soleil s’essaime en diamants
de gouttes d’eau
sur l’herbe souple

Je reste docile
à l’inclination
de l’univers serein

Les montagnes se dilatent
en gorgées d’ombre lilas
et vaguent avec le ciel

Là-haut à la voûte légère
l’enchantement s’est brisé

Et je tombe en moi

Et je m’enténèbre dans mon coin

Versa, 27 avril 1916

Giuseppe Ungaretti (1888-1970)Sentimento del tempo (1933)Vie d’un homme. Poésie, 1914-1970 (Poésie/Gallimard, 1981) – Traduit de l’italien par Jean Lescure.

Merci Beauty will save the world